AUTOCÉPHALES (ÉGLISES)

AUTOCÉPHALES (ÉGLISES)
AUTOCÉPHALES (ÉGLISES)

AUTOCÉPHALES ÉGLISES

L’autocéphalie (du grec autoképhalos , «qui est sa propre tête») est le régime canonique qui règle les rapports institutionnels existant entre les diverses Églises sœurs dont se compose l’Église orthodoxe. Deux traits caractérisent ce régime: le refus d’une primauté de juridiction qui s’étendrait à l’Église universelle et la détermination autonome de la vie des Églises à l’échelon national. Les Églises autocéphales ne se reconnaissent donc pas de chef commun visible, le Christ seul étant leur chef invisible.

Se gouvernant synodalement, sous la présidence d’un patriarche ou d’un métropolite, chaque Église autocéphale règle elle-même l’ensemble de sa vie dans le cadre d’une foi, d’usages liturgiques et, en principe, d’une discipline canonique qu’elle partage avec l’Église entière. Les relations mutuelles, bilatérales et panorthodoxes, entre ces diverses Églises, entraînent au minimun l’admission réciproque de leurs membres à l’eucharistie, ou leur exclusion, en cas d’excommunication, ainsi que l’inscription des chefs des autres Églises dans les diptyques, dès l’annonce de leur élection, pour en faire mémoire au cours de la liturgie. De plus, si un concile œcuménique était convoqué (mais aucun ne l’a plus été depuis le VIIIe siècle), ce serait avec l’accord de chacune d’elles, qui devrait y être représentée.

L’institution se réclame de précédents remontant à l’Église patristique, tels l’autocéphalie de certains évêchés et les rapports paritaires existant entre les patriarcats anciens dans la théorie de la pentarchie. Les autocéphalies modernes sont cependant nées dans un contexte bien différent, directement conditionnées par l’histoire politique des Balkans depuis le début du XIXe siècle: la conquête, par un pays, de son indépendance politique, fut, chaque fois, suivie de la proclamation de l’autocéphalie de l’Église nationale. On s’en justifia en faisant appel aux canons prévoyant l’alignement des circonscriptions ecclésiastiques sur les circonscriptions civiles (canon 34 des Apôtres, canon 28 de Chalcédoine et canon 38 in Trullo).

Des différends pratiques et théoriques ont accompagné la naissance de la plupart de ces autocéphalies. L’histoire de celle de Bulgarie illustre la difficulté de faire sa place au principe national dans l’organisation de l’Église. Proclamée unilatéralement en 1870, cette autocéphalie ne fut reconnue par Constantinople qu’en 1945 parce qu’elle revendiquait la juridiction sur les orthodoxes bulgares résidant hors des frontières de l’État, théorie condamnée dès 1872 comme hérétique par le patriarcat œcuménique, sous le nom de phylétisme. Malgré cela, presque toutes les Églises autocéphales entretiennent aujourd’hui des juridictions hors de leurs frontières, dans la diaspora, notamment aux États-Unis, bien que le canon 8 de Nicée ait interdit qu’il y eût plus d’un évêque par ville, interdiction qui fut respectée jusqu’au début du XXe siècle. Un autre différend, subsistant entre Constantinople et Moscou depuis des décennies, a trait aux conditions de proclamation d’une autocéphalie et à l’extension des prérogatives d’une Église autocéphale. Ainsi Moscou a reconnu en 1970 l’autocéphalie de «l’Église orthodoxe en Amérique», mesure aussitôt contestée par Constantinople, selon qui une reconnaissance de ce genre concerne l’Église orthodoxe entière et ne peut résulter d’un agrément donné par une Église mère à une Église fille; de plus, l’Amérique, terre de diaspora, relève de la juridiction de Constantinople en tant que patriarcat œcuménique et non de celle de Moscou. D’autres décisions montrent que Moscou a manifestement une conception plus étendue que Constantinople des droits d’une Église autocéphale: ainsi avait-elle envoyé des observateurs au IIe concile du Vatican, sans consulter le reste de l’orthodoxie et admet-elle les catholiques aux sacrements en cas de nécessité spirituelle de leur part, tandis que le reste de l’orthodoxie maintient son opposition à une telle mesure. L’analyse du fonctionnement de l’institution renvoie donc à plusieurs difficultés propres à l’ecclésiologie orthodoxe et concernant: la place à faire au principe politique dans l’organisation de l’Église; la délimitation des droits du patriarcat œcuménique une fois qu’on ne lui reconnaît pas de pouvoir de juridiction; l’étendue de l’indépendance d’une Église autocéphale. À travers ces questions se trouve aussi posée celle de la nature spécifique de l’unité de l’Église orthodoxe.

Signalons enfin qu’à côté des Églises autocéphales on trouve des Églises autonomes, moins indépendantes que les premières puisqu’elles attendent de leur Église mère l’ordination de leur primat. Tel est le statut notamment des Églises de Finlande, du Sinaï, de Crète.

La liste des Églises autocéphales s’établissait, en 1973, selon l’ordre protocolaire qui suit, où l’on indique entre parenthèses la date de la reconnaissance de l’autocéphalie, date dédoublée pour les autocéphalies modernes, lorsqu’il y a eu un conflit significatif entre Constantinople (C) et Moscou (M) au sujet de cette reconnaissance:

1. Constantinople (381); 2. Alexandrie; 3. Antioche; 4. Jérusalem (451); 5. Moscou (1589); 6. Serbie (1220-1766 puis 1879); 7. Roumanie (1885); 8. Bulgarie (927-1018, 1235-1767, 1870, reconnue par C en 1944); 9. Grèce (1850); 10. Géorgie (700 env.-1801, 1917 par C, 1943 par M); 11. Chypre (431), 12. Albanie (1937 par C, 1945 par M); 13. Pologne (1927 par C, 1948 par M); 14. Tchécoslovaquie (1951, par M seulement); 15. Église orthodoxe en Amérique (1970 par M seulement).

L’Église de Macédoine s’est proclamée autocéphale en 1967, sans avoir jusqu’à ce jour obtenu sa reconnaissance.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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